Ce témoignage est un rafraîchissement des évènements évoqués dans ce récit. Cet état des lieux - révèle celui que je suis devenu par le désir à me sortir d’une addiction à l’alcool. C’est banal et c’est l’histoire de beaucoup d’entre nous.
Ce que je voudrais faire passer comme message, en toute humilité, c’est que les aléas de la vie permettent à chacun, dans des conditions parfois extrêmes, de retrouver le bon chemin quand ils se sont fourvoyés. Sixième enfant d’une fratrie de treize, quittant l’école à 14 ans, je me suis ancré dans la vie d’adulte après le passage obligatoire du service militaire.
De toutes ces périodes, le seul élément qui me rattache à la prise d’alcool n’est pas de l’identifier à la fratrie ou encore aux parents, mais bien au seul fait que jeune j’ai aimé un produit dont je n’ai pas accepté de devoir me méfier.
Dans la vie que j’ai voulu bâtir, j’ai eu à piloter un bateau, celui de ma famille. S’y trouvaient ma femme, mes enfants, mon devenir. Et ce dernier n’était pas beau du tout, mais ça, je ne le savais pas encore. Donc, dans la vie commune, j’étais chef de famille, toujours devant. Les aléas de la vie – maladie – décès familiaux – accident du travail – retrait du permis de conduire pour alcoolémie excessive, ont conduit à la prise de conscience du « Tout alcool » à « Il faut que j’arrête !»
Durant la période de 20 à 44 ans, j’ai vécu avec des proches qui étaient, en réalité, bien loin de moi, mais de mon propre fait bien sûr, ou si vous voulez de mes propres méfaits, conséquence du « trop d’alcool ». Là j’étais en retrait !
Puis, il y eut cet accident matériel, seul en cause, et paradoxalement l’unique dans ma vie de conducteur, dont banalement l’origine fut « l’alcool ». Et les gendarmes de me le rappeler, établissant la procédure qui allait faire que je me remette en question, le fameux déclic, que je me mette en marche pour laisser derrière moi mon hibernation alcoolique.
J’ai enfin ouvert les yeux. Je l’ai acceptée, cette maladie destructrice, dont j’ignorais l’existence sous ce nom. À partir de ce moment, informé, j’ai décidé de ne plus la subir, mais bien d’entreprendre.
L’accident du travail évoqué plus haut, bien que m’ayant diminué physiquement, m’a, après m’être reconnu dépendant à l’alcool, servi de tremplin pour rebondir. Je suis allé à l’essentiel. Ayant accepté que mes copains d’alors ne fussent pas ceux sur lesquels il me fallait compter pour démarrer une autre vie, je l’ai orientée différemment.
La postcure au CHÂTEAU WALK (67), la rencontre avec la Croix Bleue puis la mise à la retraite anticipée, du fait de mon incapacité liée à l’accident causé par un tiers sous l'emprise de l'alcool, m’ont permis de reprendre le fil du fleuve, celui qui s’ouvre à l’épanouissement personnel.
À 44 ans, j’ai résolument tourné une page, la page écrite de trop de noirceur, pour ouvrir un livre, celui de la vie. La rencontre avec la Croix Bleue a précisé la remise en question, a permis d’aborder l’interrogation d’alors : « je fais quoi de mon temps disponible ? ».
La réponse se trouve là facilitée par la rencontre d’anciens buveurs, de solidaires. La solidarité du groupe, l’appui familial, m’ont apporté la sérénité que je n’avais plus connue depuis fort longtemps. Puis est venue l’heure de se placer au service de l’autre avec pour tout bagage la volonté d’y arriver en me maintenant dans l’abstinence. Les rencontres, les week-ends, la formation, l’émulation, la motivation, la disponibilité sont autant d’éléments positifs dans la relation à l’autre aujourd’hui.
Je me suis donc placé à la barre. Depuis lors, je ne suis plus conduit par les évènements. J’ai résolument entrepris de faire face et de donner un sens à ma vie. Certes, la vie associative me prend du temps, mais c’est que j’ai à en disposer. J’ose dire aujourd’hui que cette activité bénévole a permis de remplir ma vie.
Ce fleuve de la vie ne véhicule plus l’élément noir et nauséabond que j’avais contribué à épaissir. Cette sève nutritive s’est éclaircie au fil du temps, au fil des rencontres. Aujourd’hui, si elle est limpide, j’en remercie celles et ceux qui ont contribué à me maintenir à flot. Entre vivre et vivoter, j’ai choisi.
Et depuis ce Noël 1989, pensionnaire du château Walk et permissionnaire pour cet évènement, je vis mon engagement tant vis-à-vis de moi-même qu’au bénéfice des autres, de tous les autres.
Roland Mansuy, Metz, 4 décembre 2022.
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