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Rechute indispensable, non !

Dernière mise à jour : 26 juil. 2023

Rechute, reconsommation, dérapage, réalcoolisation...

Tous ces mots pour parler du même problème : la reconsommation d’alcool.

Rechute est un terme qui me semble plus dur et plus péjoratif que les autres, il est chargé de beaucoup de négatif.


J’emploierai plutôt le terme de reconsommation, peut-être plus facile à entendre. Il faut également distinguer la simple reconsommation, un ou quelques verres et la personne réagit tout de suite, de la rechute où la personne repart à fond dans le produit.


Ces derniers disent qu’ils replongent très vite et avec des quantités très importantes rapidement et plus importantes que lors de l’arrêt de la consommation.


La Croix bleue a été la première association à dire que la seule solution pour une personne dépendante était d’être abstinente totalement et définitivement, et ceci, depuis sa création en 1883.


Quand une personne arrive dans un groupe d’entraide ou toute autre structure de soin et qu’elle entend cette phrase, même si elle a plus ou moins conscience que c’est la réalité, l’intégrer au plus profond de soi est très difficile.


Plus d’alcool de toute ma vie, la première fois que j’ai entendu cela, était inconcevable.

Moi, ne plus boire du tout, j’avais bien du mal déjà à tenir une journée, alors toute ma vie !

En plus comme me le répétait mon mari sans arrêt, je n’avais aucune volonté !


La personne m’accueillant à la Croix bleue ce jour-là m’a expliqué qu’elle y croyait, car j’avais envie de m’en sortir étant venue lui demander de l’aide.


Pour la première fois depuis longtemps, quelqu’un me faisait confiance !

Cela m’a fait un bien fou, même si je croyais encore que sa confiance était mal placée ! Tenir huit jours, je pensais en être capable et nous avons misé là-dessus ensemble.


Huit jours plus tard, je me présentais devant elle fière de mes huit jours d’abstinence.


Nous avons ensuite renouvelé le contrat de semaine en semaine, puis de mois en mois et enfin d’année en année : cela fera trente ans que j’ai poussé la porte de la Croix Bleue ! Au fond, même pour les personnes encore dans le déni, une petite part d’elles sait que l’abstinence est la seule solution, mais le chemin est plus ou moins long selon les individus.

En effet loin d’être une fin en soi, celle-ci est une vraie démarche vers une vie sans alcool épanouie et heureuse.


Certains pensent que les « autres » sont dépendants : ils boivent plus, tout le temps, etc., mais eux ils n’en sont pas là ! Une dame rencontrée en cure avait eu cette belle expression en se comparant aux autres : « Je suis alcoolique à 80 % ! » Elle buvait elle aussi, mais… moins que les autres.

Pour moi, on est alcoolique ou pas c’est comme une femme enceinte, qu’elle le soit de trois semaines ou de six mois, que cela se voie ou pas, qu’elle soit malade ou pas (nausées, envies…) elle attend un bébé. Pour moi la maladie alcoolique qu’elle soit visible ou pas est bien là !


Les personnes comme cette dame ont besoin de passer par la reconsommation pour se prouver que ce qu’elles ont entendu autour d’elles à savoir « plus d’alcool du tout » était la vérité. J’appelle cela la rechute thérapeutique. L’expérience a prouvé que le premier verre entraînait les autres.


Malheureusement, certains doivent reconsommer pour le croire. Cela est vrai pour les gens qui sortent de cure, mais aussi qui sont abstinents depuis quelque temps et se disent : « Maintenant, je vais mieux, je suis guéri et je peux reconsommer comme tout le monde. »


Une personne avec ce raisonnement en tête devra faire le test afin de reprendre un verre.

La fréquentation d’une association s’avère très utile, car entendre les autres raconter leurs expérimentations permet à la fois de déculpabiliser et de comprendre que cela peut faire partie du parcours vers la guérison.


En règle générale, la personne vit cela comme un échec et culpabilise. Il est alors difficile, et pourtant indispensable de reprendre contact le plus rapidement possible avec une association ou une structure en addictologie. La personne n’ose plus, elle se juge tellement nulle qu’elle pense que tout le monde la jugera aussi durement. Combien de fois ai-je perçu l’étonnement quand je conseillais de reprendre le lien avec leurs soignants : « Que vont-ils dire ? ». Reétonnement à ma réponse : « Ils seront contents de te revoir. La rechute peut faire partie du parcours de la personne en difficulté avec l’alcool.


L’important est de pouvoir en parler ! » Pour ma part, connaissant ces réflexions, je m’attache toujours à positiver cette reconsommation.

La personne m’a appelée : premier point positif, ensuite analyser cette reconsommation pour en faire une expérience constructrice pour sortir de la spirale d’échec. « Qu’as-tu appris sur toi ? Avais-tu trop confiance en toi ou au contraire avais-tu trop peur de l’alcool ? » En cas d’excès de confiance en soi : apprendre la prudence.


Souvent quand on ne se méfie pas que la rechute est proche. Apprendre à se mettre des barrières. L’expérience des autres au cours des réunions du groupe d’entraide est là encore très importante pour se construire ensuite la sienne propre : avoir ou pas de l’alcool à la maison ? Fréquenter les mêmes copains qu’avant ? En parler avec son entourage ? etc. En cas de manque de confiance en soi : faire un travail sur soi, pourquoi pas avec l’aide d’un psychologue.


L’expérience m’a prouvé depuis longtemps qu’il valait mieux avoir peur de l’alcool que d’avoir trop confiance en soi.

Positiver la reconsommation réside aussi dans un travail sur les causes. En règle générale elle était en gestation depuis un moment : nous disons souvent qu’elle « se prépare » donc essayer de bien cerner les circonstances qui auraient pu la provoquer.


Je me souviens d’une dame qui rechutait tous les ans en novembre, à la date anniversaire de la mort de son mari. Après en avoir pris conscience, elle a fini par se protéger de cette période difficile : passant quinze jours chez sa fille, chez qui elle ne consommait pas, se programmant plusieurs sorties avec des copines pour ne pas rester enfermée chez elle, etc.

Elle avait trouvé ses propres solutions. Également, il est important de savoir que la rechute n’est pas toujours provoquée par des circonstances dramatiques, mais peut l’être tout autant par l’euphorie dont on se méfie beaucoup moins (par exemple : après une grande joie comme la naissance d’un enfant).


La reconsommation peut aussi survenir à la suite d’un coup de tête, d’un chagrin ou d’un défi. Enfin, elle peut survenir après une longue période d’abstinence.


Pour moi, il était plus facile de remonter la pente, car en parallèle avec celui qui rechute et ne sait pas s’il pourra être abstinent un jour, l’abstinent de nombreuses années a déjà vécu cette expérience, il sait qu’il est capable de le faire.


Or, à l’inverse de mon ‘préjugé’, toutes les personnes qui avaient fait ces expériences de rechutes après une abstinence de longue durée m’ont toutes assuré que cela était pire et plus difficile. En effet la perte de confiance ainsi que la culpabilité étaient plus intenses.


En conclusion, la reconsommation peut faire partie intégrante du parcours de l’alcoolique et elle doit servir d’expérience. Il faut la dépasser et ne pas la vivre comme un échec, mais au contraire s’en servir pour une meilleure connaissance de soi et de ses propres limites.


Annick JOURNET Croix Bleue LE DOUAISI

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