Les nuits noires, ce sont ces nuits sans lune, où conduire ou se conduire est une épreuve et où je me cognerais à mon voisin de palier s’il passait par là.
Ce sont ces jours sans nuit où l’alcool, même s’il n’est pas présent tout le temps, domine le temps, mon temps.
Il est dans mes itinéraires, dans mes détours, dans mes ressources, dans mes mensonges, dans mes silences, dans mes peurs et ma misère. Il est dans tout, autour de tout, il est la nuit noire du néant.
Est-ce que je sais seulement pourquoi je bois ?
Bien sûr ; mais comme un événement extérieur, comme si cela ne me concernait pas, bien loin de ma conscience, encore éloigné de la prise de conscience.
Loin de ce tribunal planté au milieu de mon cœur qui commence par me juger, par m’interroger.
Loin de cette conscience morale, de cette faculté que possède toute femme ou tout homme de discerner le bien du mal, qui lui permet de dresser son chemin de conduite.
Loin de cette voix intérieure, qui avant et pendant l‘action nous guide et nous juge.
Et pourtant comme un bref souffle de vent, cette conscience un jour se réveille, trop furtivement parfois, ne laissant que le temps à une brève résolution, pour mieux s’en éloigner l’instant d’après, avant de replonger dans la nuit noire.
L'horloge du temps alcool ne s'égrène pas à la même vitesse que l’horloge du temps physique.
Et puis un jour, ce vent plus soutenu qu’à l’accoutumée souffle sur cette conscience laissant ainsi une ouverture pour se situer, pour se créer un repère, une lueur dans la nuit.
Je recommence alors à vivre avec la conscience du sablier, à réveiller la mienne, à pouvoir apprécier le juste, l’injuste, le permis, l’obligatoire, le défendu.
Recommencer à vivre sans craindre le jugement d’autrui, et surtout me reconstruire en m’apprivoisant tel un animal qui sort des nuits noires.
Michel
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