L'Apathie
- croixbleue57
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De la perte de motivation à l’absence d’émotions… qu’est-ce que l’apathie ?
De plus en plus de personnes connaissent une sorte de fatigue dépressive. Ce peut être de l’apathie, un trouble de la motivation qui ternit nos émotions ? Le terme est devenu synonyme d’une perte de contrôle difficile à maintenir.
Une consommation répétée d'alcool peut entraîner des effets secondaires, comme de l'apathie, une perte d'élan, de la déprime, de l'isolement, des conflits dans les relations sociales. Et ces symptômes répétés peuvent à leur tour entraîner la personne vers la dépression.
Comment cela se présente-t-il ? L’énergie vous quitte. Plus envie de rien faire. Vous allonger sur le canapé et faire défiler l’écran de votre téléphone, de la tablette, peut-être, pour trouver une légère dose de dopamine ? Mais même cette activité, qui ne requiert pas beaucoup d’énergie, vous semble inutile… comme tout le reste, depuis des semaines, voire des mois.
Cet état mental porte un nom : l’apathie. En neuropsychiatrie, le trouble est étudié depuis les années 1990. Une étude la définit comme une perte de motivation généralisée : on est à plat, toute activité tendant vers un objectif devient inintéressante, l’intéressé(e) n’y pense même plus.
Plus récemment, les neuropsychiatres ont introduit d’autres critères pour affiner le diagnostic.
D’abord, la diminution de la motivation doit être constatée par rapport à un état antérieur : il faut que le patient se soit senti capable de s’engager dans des actions auparavant, et que son incapacité actuelle soit source de souffrance. La perte de motivation – aussi appelée aboulie en psychiatrie – doit s’étendre sur au moins quatre semaines. Enfin, elle doit concerner au moins deux des trois domaines suivants : l’action, la cognition et les émotions.
Dépression et démences on des diagnostics associés.
Le plus souvent, l’apathie est un symptôme qui touche des personnes atteintes d’autres pathologies bien connues des psychologues. Dès les premières études, les chercheurs découvrent qu’elle est associée à un diagnostic de dépression dans 85 % des cas. Elle peut également accompagner diverses lésions cérébrales, mais aussi la maladie d’Alzheimer (60 % des malades souffrent d’apathie selon la fondation Alzheimer) ou d’autres démences.
Au niveau neuronal, l’apathie est liée à des dysfonctionnements de la zone frontale du cerveau, associée notamment aux actions volontaires, à la planification et au raisonnement.
Si les recherches en psychologie et en neurosciences mettent la perte de motivation au premier plan, l’apathie est historiquement une absence d’émotions (comme l’indique son étymologie : le mot grec « pathos », qui signifie passion, souffrance, ou affect, précédé du « a » privatif). Au 19e siècle, le dictionnaire de médecine de Littré définit d’ailleurs l’apathie comme un « état d’engourdissement des facultés morales, dans lequel on est comme insensible à la peine ou au plaisir, et où l’on éprouve une sorte de paresse à se mouvoir ».
Les neurosciences, révolution ou mirage ?
L’apathie, une qualité pour les philosophes grecs et romains.
Pourquoi a-t-on changé de regard ? D’abord, parce qu’il semble que les stoïciens se soient trompés en considérant que l’âme est entièrement rationnelle. Il est impossible d’éteindre les passions, et c’est tant mieux car elles sont indispensables, comme l’ont montré les progrès scientifiques en psychologie.
Le neurologue Antonio Damasio explique ainsi que nos actions et nos motivations sont toujours soutenues par nos affects. « Nous ne pouvons pas être conscients sans réaction émotionnelle à des objets, des situations, des événements extérieurs au cerveau », déclarait-il à Sciences Humaines en 2011. De fait, l’insensibilité émotionnelle est donc associée à l’inaction.
Le rôle essentiel des émotions
Bien plus, on sait maintenant que les émotions jouent des rôles essentiels dans plusieurs aptitudes mentales : elles permettent de communiquer, de maintenir notre attention, de consolider notre mémoire, de prendre de meilleures décisions… Leur disparition ou leur appauvrissement entraîne donc une perte de capacités mentales. Dès lors, qui aurait envie de ne rien éprouver et de ne plus être motivé par rien ?
L’apathie peut être un fardeau aussi bien pour la personne qui en souffre que pour ses proches qui la suppléent. Le risque est alors de se contenter d’un jugement superficiel et dévalorisant : manque de volonté ou de caractère du sujet, fainéantise…
Par Hugo Albandea - Publié le 04 novembre 2025



