top of page
  • croixbleue57

Gestion des situations émotionnelles

On sait maintenant que le patient alcoolique est démuni face aux situations émotionnelles.


Ainsi, il lui est plus facile de boire afin de supprimer l’émotion que de la gérer.


L’alcoolisme est une problématique émotionnelle complexe. C’est ce que constate le psychiatre belge Philippe de Timary, responsable d’une unité d’alcoologie aux cliniques Saint-Luc à Bruxelles et chercheur à l’Université catholique de Louvain.


Gérer ses émotions, est-ce problématique pour les alcooliques ?


Oui !


La question de la régulation émotionnelle est essentielle. C’est-à-dire la capacité de faire face à ses émotions. On constate que les patients alcooliques sont très démunis face aux situations émotionnelles. Ils boivent pour les supprimer, car ils ne savent pas comment y faire face autrement.


Ce besoin compulsif lié à l’addiction fait donc office de régulateur ?


La tendance compulsive à se tourner vers la boisson alcoolisée, nommée « craving » dans le jargon des addictologues, est contrôlée par des systèmes complexes. Mais on sait qu’elle est générée par des émotions, positives ou négatives. Il existe vraiment un lien entre l’affectivité et la compulsion.


Leur réponse aux affects négatifs qui les assaillent est le « craving ». Le produit toxique, quel qu’il soit, a pour but d’éviter les effets négatifs des émotions. Lorsque l’addiction est installée, l’alcoolique boit pour supprimer des émotions qu’il n’est plus capable de gérer.


Boire permet de lever ces affects négatifs, mais la boisson n’améliore pas sa situation, et bien souvent ce sera pire après. Car la consommation d’alcool ne résout évidemment pas les situations émotionnelles difficiles, mais elle va en plus provoquer des états émotionnels négatifs. Cette illusion qu’entretient l’alcool induit un cercle vicieux.


Comment le malade alcoolique perçoit-il les autres ?


Outre cette difficulté à gérer ses propres émotions, l’alcoolique perçoit celles des autres de manière biaisée et cela affecte ses relations interpersonnelles. Il souffre par exemple d’une grande sensibilité au rejet et se sent donc facilement mis de côté.


Ou alors, il attribue trop facilement de la colère à l’autre. Grâce aux progrès neurologiques, on sait que l’alcool affecte progressivement le système nerveux, d’où ce déficit de l’interprétation des émotions d’autrui. Dans mon unité d’alcoologie, j’ai été confronté à des patients qui pensaient que j’étais en colère contre eux.


Cette constatation clinique m’a fait progresser dans ma recherche. Il est toujours important de croiser un regard scientifique et un regard clinique sur la question des émotions. Les observations scientifiques nous amènent aussi à changer notre style relationnel à leur égard, à être attentifs à la manière dont ils nous perçoivent et à ne pas prendre leurs réactions au premier degré lorsqu’ils nous sentent en colère ou se sentent rejetés.


Vous dites que l’accès aux soins n’est pas aisé. Pourquoi ?


Dans un exposé j’ai proposé cette phrase, provocatrice, mais vraie : « Qui soigne les alcooliques ? La plupart du temps, personne… » Des études montrent que, bien que l’alcoolisme soit une pathologie chronique, les gens qui en souffrent n’arrivent à l’hôpital que dans des situations d’urgence, en phase de détresse aiguë. Il existe une difficulté réelle d’accès aux soins pour ces patients qu’il faut littéralement aller chercher pour leur permettre d’accéder à des soins. Seuls 20% des alcooliques ont accès à une forme d’aide, et encore, le plus souvent pas directement dans des services spécialisés.


Est-ce dû aussi au déni propre à cette dépendance ?


Oui. Accepter de se faire aider signifie pour eux avoir dépassé la phase de déni propre à l’alcoolique, qui ne se reconnaît pas comme malade et ne veut pas voir la réalité et la gravité de son état. Il ne demande pas d’aide, est souvent déprimé, désinhibé, honteux, souffrant d’une faible estime de lui.


Et l’isolement social lié à la stigmatisation des malades psychiatriques dépendants n’arrange pas les choses.


L’alcoolique comprend ou accepte la nécessité de changement quand c’est déjà très tard, car il est incapable d’anticiper.


Comment traiter les alcooliques qui le veulent bien ?


Une fois pris en charge par une unité spécialisée, une association d’entraide, etc., le sevrage puis l’abstinence jouent un rôle positif, prépondérant pour le rétablissement du malade.


Philippe de Timary, psychiatre

Belgique


25 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page